CE QUE DIT L’ÉDITEUR SUR PETIT TRAITÉ SUR L’IMMENSITÉ DU MONDE :
Pour ralentir la fuite du temps, Sylvain Tesson parcourt le monde à pied, à cheval, à vélo ou en canot. Dans les steppes d’Asie centrale, au Tibet, dans les forêts françaises ou à Paris, il marche, chevauche, escalade aussi les monuments à mains nues. Pour mieux embrasser la terre, il passe une nuit au sommet de Notre-Dame de Paris, bivouaque dans un arbre ou sous un pont, construit des cabanes. Cet amoureux des reliefs poursuit le merveilleux et l’enchantement. Dans nos sociétés de communication, il en appelle à un nouveau nomadisme, à un vagabondage joyeux. Ce Petit traité sur l’immensité du monde est un précis de désobéissance naturaliste, une philosophie de poche buissonnière, un récit romantique contre l’ordre établi.
L’AVIS DE MEHTAP TEKE SUR PETIT TRAITÉ SUR L’IMMENSITÉ DU MONDE :
Je dois vous avouer un truc : j’ai un défaut. Au moins un. Je juge à l’instinct. Je peux aimer ou détester sur seule base de mes observations ou intuitions. Au feeling je me fais une idée sur une personne ou une chose. Et comme je suis la fille de mon père et que j’ai un esprit obtus, je m’y tiens.
Mais ne vous méprenez pas. Je n’en suis pas fière. C’est pourquoi, tout récemment, parce qu’ayant fêté un an de plus, je me suis dit qu’il était temps de changer. De prouver que j’avais tort ; aller au-delà des supposés. Foncer en librairie, attraper le premier livre de Sylvain Tesson qui me tomberait sous la main, me barricader chez moi et le lire sans plus poser de questions. Et c’est ce que j’ai fait. Et à présent je réalise que cela fait trente et une années que j’ai effectivement raison de me fier à mon instinct.
Petit traité sur l’immensité du monde n’a rien d’un traité. Et encore moins de lien avec l’immensité du monde. Car, comment vous dire ? Comment résumer ce qui ne peut l’être : le néant, le vide et le rien du tout ? Qu’ai-je lu ? Quel était le but de ce – susnommé – traité ? Eh bien ! ne me le demandez pas. Je l’ignore. Du Petit traité sur l’immensité du monde, on n’en retire pas grand-chose. Voire rien du tout. Si j’étais mauvaise langue, je vous dirais qu’on en retire bien un soulagement, une fois le livre terminé. Mais je ne suis pas mauvaise langue.
Sylvain Tesson s’aventure donc sur les traces du grand Thoreau. A l’instar de Walden ou la vie dans les bois, Petit traité sur l’immensité du monde parle de solitude, d’introspection, de rapprochement avec la nature et d’exil en terre sauvage. Pour les cinéphiles – une sorte de Into the wild littéraire. Sylvain Tesson y raconte qu’il a vadrouillé un peu partout et vécu dans des cabanes au fin fond des forêts russes où il a mangé des pattes d’ours (oui, cela m’a marquée), rencontré des poupées russes, bu de la vodka et couché ses pensées dans son journal. Mais la comparaison avec Walden s’arrête là. Car Sylvain Tesson n’a pas l’étoffe d’un Thoreau. Et sous sa plume, le périple nomade et solitaire prend la forme d’une rébellion adolescente aux revendications incertaines. Et dont le fond nous échappe – la forme aussi, d’ailleurs.
Et le voilà à coucher à moitié nu sur des bancs publics, à se dissimuler dans des sites en construction pour y passer la nuit, à grimper aux arbres des forêts où il se perd et à s’adresser à la verdure qui l’entoure. Un illuminé. Et tout cela de lui monter à la tête – tel un Delon de la littérature, et de le voir porter son fardeau d’homme blanc propre à sa classe : « Il \[Sylvain Tesson] entend des cris de joie dans les maisons berbères saluant la naissance d’un garçon et des lamentations si c’est une fille. Il a traversé des villages dans les campagnes de Chine où les mères se pendent si elles enfantent une fille. Il a vu en Inde (…) le visage des victimes qu’on a tenté de brûler. Il a lu dans le Coran (…) le mépris ruisselant de stupidité dans lequel est tenue une femme. » (Sylvain Tesson, Petit traité de l’immensité du monde, Paris, Equateurs, 2005, pp.92-93)
Et à la lecture de ses aventures, une question nous vient à l’esprit : « Mais pourquoi ? » Pourquoi coucher sur des bancs publics, se dissimuler dans des sites, grimper aux arbres et s’adresser à la verdure – au XXIème siècle ? « Pour la notoriété. Pour écrire des livres et passer à la télé. » Probablement. Et de réaliser que peut-être – peut-être, seulement – Sylvain Tesson se lance dans ces quêtes pour la postérité. Et ces quêtes si nobles, si chères à Henry David Thoreau, de ne représenter plus grand-chose sous la plume de Tesson.
Le néant, le vide et le rien du tout.